Ça tend en moi

Atteindre son but ne rend pas nécessairement heureux, c’est parfois tout le contraire. Pensons à ces cas, plus fréquents qu’on ne le dit, où une réussite longtemps et ardemment désirée plonge son bénéficiaire dans une profonde dépression. En outre, quand le bonheur est néanmoins au rendez-vous, celui-ci dure étrangement peu longtemps. Ainsi que l’avoue Laure Manaudou : « comme tous les nageurs, je suis à la recherche de la petite seconde de bonheur quand on gagne » — tous ces sacrifices pour une seule seconde ! C’est pourquoi, sitôt une réussite obtenue, sans prendre la peine de savourer le bien acquis, nous voilà très vite inquiet d’un nouvel objectif.

Pourquoi vouloir atteindre un but ? Pour faire coïncider notre désir et la réalité ; mais lorsque ceux-ci se rejoignent enfin, nous nous empressons de creuser entre eux un nouveau fossé. Pour expliquer ce paradoxe qui nous interdit le bonheur, il est utile de comprendre à quoi est réellement dû le moment de bien-être qui suit un succès. À la possession de l’objet de ma quête (un bien, un amour, une médaille, un succès…) ? Ou plutôt au fait que, durant quelques instants, je m’autorise à ne plus tendre vers rien — au fait qu’enfin je me détends. Le bonheur, vérité trop élémentaire pour que nous l’apercevions la plupart du temps, ne serait-ce pas simplement d’être dé-tendu, et de jouir de la pure jubilation d’être ? Lire la suite