Faut-il penser avant d’agir ?

Il faut penser avant d’agir. Quoi de plus évident ? Et pourtant, voilà la plus terrible de nos idées reçues, une conception de l’action source d’actes stériles, voire meurtriers.

Quelle est cette conception ? Pour agir, il faut penser : d’abord se faire une idée de ce qu’on veut atteindre, et l’ériger en but ; ensuite, se représenter les moyens pour atteindre ce but. Cela ne va-t-il pas de soi ? Lire la suite

Le maître de soi

L’expression “je me maîtrise” propose un intéressant dédoublement de la personne : il y a “je”, il y a “me” — le je qui maîtrise, et le moi qui est maîtrisé. Pour comprendre ce que signifie la maîtrise de soi, il s’agit donc de savoir qui maîtrise qui. Qui est le maître, et qui est le disciple ?

En général, on conçoit la maîtrise de soi comme l’attitude de celui qui ne cède pas à ses impulsions. Qui est alors le maître ? Le moi. L’être humain est considéré comme séparé en deux : il y a d’un côté le monde de la pulsion (une partie que l’on a longtemps tenu pour “animale”), de l’autre celui de la subjectivité : la partie rationnelle et volontaire — ce que l’on désigne lorsqu’on dit “moi”.

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Penser en bonne santé

On entend souvent les chercheurs de spiritualité discréditer la pensée. Il faudrait « sortir du mental » et ne plus penser. Certes, prétendre guérir de la bêtise par ablation du cerveau est une stratégie radicale. Mais nous avons besoin de penser.

Car l’âme humaine se nourrit de sensations, d’impressions, de ressentis, mais aussi de sens. Penser, c’est se nourrir de sens. En ce monde où les propositions de sens n’ont jamais été si diverses et si nombreuses, discerner celles qui correspondent à la vérité profonde à l’oeuvre dans notre vie est indispensable. Il s’agit donc, non de ne plus penser, mais de penser bien. Or notre pensée est malade. Du matin au soir, elle est livrée à un fonctionnement automatique que nous sommes incapables d’arrêter: ça pense. Quel est le principe de cette mécanique ?

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Ça tend en moi

Atteindre son but ne rend pas nécessairement heureux, c’est parfois tout le contraire. Pensons à ces cas, plus fréquents qu’on ne le dit, où une réussite longtemps et ardemment désirée plonge son bénéficiaire dans une profonde dépression. En outre, quand le bonheur est néanmoins au rendez-vous, celui-ci dure étrangement peu longtemps. Ainsi que l’avoue Laure Manaudou : « comme tous les nageurs, je suis à la recherche de la petite seconde de bonheur quand on gagne » — tous ces sacrifices pour une seule seconde ! C’est pourquoi, sitôt une réussite obtenue, sans prendre la peine de savourer le bien acquis, nous voilà très vite inquiet d’un nouvel objectif.

Pourquoi vouloir atteindre un but ? Pour faire coïncider notre désir et la réalité ; mais lorsque ceux-ci se rejoignent enfin, nous nous empressons de creuser entre eux un nouveau fossé. Pour expliquer ce paradoxe qui nous interdit le bonheur, il est utile de comprendre à quoi est réellement dû le moment de bien-être qui suit un succès. À la possession de l’objet de ma quête (un bien, un amour, une médaille, un succès…) ? Ou plutôt au fait que, durant quelques instants, je m’autorise à ne plus tendre vers rien — au fait qu’enfin je me détends. Le bonheur, vérité trop élémentaire pour que nous l’apercevions la plupart du temps, ne serait-ce pas simplement d’être dé-tendu, et de jouir de la pure jubilation d’être ? Lire la suite