AGIR LIBRE

Tout est possible — pour autant que l’on s’engage en non-retour dans ce qui dépasse notre propre puissance.

Tout ce qui n’est pas le sentir de l’instant est illusion. Ce sentir est étranger à toute phrase. Mais de la coïncidence aux métamorphoses de la chair vivante peuvent naître des actes qui, n’étant engendrés que de l’instant pour l’instant, ne sont pas illusion. Acte-enfant, sans avenir ni passé. Certains de ces actes sont parole. Certaines de ces paroles sont écriture.
Mais que les mécaniques du non sont puissantes !
Qu’il est délicat de démêler la simple douleur d’être de tous les refus qui la rendent insupportable !

Quelle jouissance dans un vrai oui à l’espace chaotique que l’on est !

  • Qu’est-ce que je gagne à devenir libre ?
  • Ne plus jamais demander « qu’est-ce que je gagne ? »…

Agir est facile ou impossible. Seul faire est difficile.

Il n’y a pas de problème, parce qu’il n’y a pas de solution.

La graine devient un arbre, qui engendre des milliers de graines… La vraie puissance engendre des effets qui croissent avec le temps.
La puissance illusoire est celle qui se retourne avec le temps. Lénine, Hitler… Il faut d’autant plus de temps que l’illusion est plus profonde.
Le pouvoir de la techno-science : une longue illusion. Mais son retournement est proche.

Seul ce qui n’a pas de cause est digne d’un regard humain.

La seule décision créatrice : renoncer à être puissant pour laisser être la Puissance.

Le grand art : donner une petite attention au grand et une grande au petit.

L’humilité est l’intelligence de celui qui ose. La modestie, l’orgueil de celui qui n’ose pas.
L’humilité consiste à ne pas se croire l’origine de soi. On ne peut donc être humble et moderne. Un temps viendra où l’on construira des asiles pour les humbles.

Me tenir là, dans l’ouverture à ce qui cherche à se donner, dont je ne dispose pas mais qui aspire à disposer de moi si je me tiens là, disponible.
Je ne peux rien, qu’être le le lieu de ce qui se peut.

Le gland ne dessine pas le plan du chêne.

Demeurer dans le cœur calme des contraires, à la croisée du monde et de la grâce, dans l’immobilité silencieuse d’où naît la parole-acte.

La vraie puissance : celle qui n’est pas la mienne mais n’est rien sans moi.

Recevoir implique une ouverture inconditionnelle, raison pour laquelle l’être humain en a horreur.

Le monde n’est que le produit de la convention des regards humains. Changer de regard change le monde.
Mais puisque changer de regard, c’est mourir à soi, on préférera généralement la bonne volonté : effort pour changer le monde à l’intérieur d’un regard qui, échappant à la mise en question, le maintient en l’état.

Il n’y a pas de plus juste motivation que de n’avoir aucune raison de faire quelque chose.

Le bénéfice de donner est la puissance de donner plus encore.

Clé de l’acte juste : la présence est suffisante ; mais elle se donne seulement lorsque on ne lui ajoute rien. Et surtout pas de la bonne volonté !

« Tu » n’es capable de rien ; mais ce qui est possible à travers toi, tu le sous-estimes encore. Pas assez d’humilité pour lâcher vraiment la modestie.

Obéir, depuis une vigilance ultra-fine au sentir, à l’impulsion petite qui m’emmène où je ne sais pas. La densité du corps mue par l’infime.

Il n’est jamais le temps de décider, sinon de sentir ou de s’anesthésier.

Accepter de n’être plus que , ouvert à cela qui m’emmène ou me laisse immobile.

Toute force issue d’une position est fausse. Chercher la position de faiblesse : c’est là que se révèle la vraie force.

Perdre consciemment le contrôle.

Le premier degré de la liberté est de souffrir de la prison qu’on est.
Le second, d’en rire.
Le troisième ? La prison n’a jamais existé !

Foncer d’abord et réfléchir ensuite est la seule manière de prendre conscience de l’inutilité foncière de la réflexion.

Il y a le sommeil du juste, mais aussi le sommeil du tiède. De l’un à l’autre, l’insomnie est la voie.

Saisir sa chance, c’est risquer de tout perdre.

Pour ne pas être esclave d’autrui, on devient esclave de sa révolte contre autrui. Ma liberté est au-delà du non au non d’autrui à ma liberté.

Descends dans ta faiblesse, tu trouveras ta force.

L’acte vrai nait d’une totale passivité : ni faire ni conception ni vouloir. Subjectivité hors-jeu (ce que l’ego vit comme : désespoir, dépression, mort), rien ne s’interpose entre le désir et sa matière. Juste attendre.
De l’opportunité naît l’acte.

N’est au pouvoir d’un être humain que de faire coïncider sa vie avec l’idée qu’il se fait du bonheur. S’il y parvient, malheur !

Oui, le réel est bon et seul est bon le oui. Mais contre les spinozistes paresseux, il convient de rappeler qu’un monde construit sur un non au réel ne saurait être bon et qu’au nom du oui il est bon de lui dire non.

Tu ne sais pas ce que tu veux parce que, ne voulant que ce que tu sais, le réel t’effraye.

Rien ne résoud rien.
Fort de cette base, on peut agir.

J’appelle matière ce qui me résiste et réel ce qui me surprend.

Relie-toi à ce qui te dépasse et vis spontanément.

La chute est de faire pour, au lieu d’agir d’où l’on désire. N’avoir aucun but, car seule compte l’origine de l’acte. Son sens ne se révèle qu’ensuite et il émerveille : infiniment autre et plus que tout ce que l’on aurait pu préméditer !
Maîtriser l’acte, c’est en vivre la juste origine. Discipline : devenir le disciple du oui.

Nier mes déterminations aussi bien que m’identifier à elles, c’est me laisser déterminer par elles, c’est en faire un déterminisme.
La seule manière que les déterminations de mon existence ne dégénèrent pas en déterminisme est de les ressourcer sans cesse dans la dimension vierge de mon être.
Unique liberté concrète.

L’épreuve me paraît au dessus de mes forces parce qu’elle fait appel à des forces en moi que je ne connais pas encore.

Par la grâce de mon non-agir, spontanément, se produit tout ce que j’aurais voulu produire et bien davantage. Et j’apprends mon désir de l’émergence des choses.